Retraite étonnante

Sur un air de Buenos Sierre

Publié en décembre 2025
Avec Françoise et Pierre-Olivier Bonnet, les clichés valsent en ordre dispersé. Cinquante-deux ans de vie commune et toujours mariés. Retraités depuis plus de dix ans et pas prêts de lever le talon. Enfin, si ! Chaque semaine, ils initient les amateurs de tout âge au tango argentin.

Dans la vie, certains sont faits pour se rencontrer. C’est le cas de Françoise et Pierre-Olivier. Cinquante-deux ans de mariage, cinquante-deux ans qu’ils partagent leurs nombreuses activités. Et ils ont beau avoir quitté le milieu professionnel il y a une dizaine d’années, ils n’ont pas vraiment ralenti le rythme. Au contraire, ils profitent de leur retraite pour s’adonner davantage à leur passion commune : le tango argentin.

À l’instar d’une majorité d’apprentis tangueros, c’est à la quarantaine entamée qu’ils sont séduits par cette danse sociale née entre l’Argentine et l’Uruguay, sur les rives du rio de la Plata. Mais c’est en France, lors de vacances, que tout commence pour eux.

« On a toujours aimé la bonne musique. Ce jour-là, il y avait un accordéoniste qui jouait vraiment bien. On s’est dit que c’était dommage de ne pas savoir danser », se souviennent-ils avec le même enthousiasme. Ni une, ni deux, de retour chez eux, en Valais, ils décident de s’inscrire à un cours de danse de salon. Mais à la fin des années 90, cette pratique n’est pas vraiment tendance. Difficile d’apprendre le tango argentin alors qu’aucune structure ne le propose dans le canton...

De talon en aiguille, Françoise et Pierre-Olivier trouvent le moyen d’en acquérir les principes de base. En parallèle, ils se mettent à l’espagnol, histoire de prendre la pleine mesure de cette danse si émotionnelle et de la culture qui lui est intimement associée. Comme tout aficionado de tango argentin, ils vont nouer des liens forts avec l’Argentine, notamment avec des musiciens et des danseurs qu’ils accueillent régulièrement chez eux ou à qui ils rendent visite dans leur pays.

Duo danseurs Tango
Françoise et Pierre-Olivier dansent partout : dans leur salon, en plein air ou encore sur scène pour animer des soirées ou des spectacles.


UN COUPLE HORS NORME


De leur formation commerciale à leurs loisirs en passant par leur tempérament autodidacte, les Bonnet se retrouvent en tout. Pierre-Olivier crée ainsi la plupart des tenues vestimentaires de sa femme et bon nombre des siennes. S’il se pique de couture de longue date, ayant géré par le passé un magasin de confection, ce Lausannois d’origine doit la maîtrise du fil et de la bobine d’abord à son côté touche-à-tout. Diplômé de l’Ecole de commerce de Sierre où il réside depuis l’âge de 13 ans, il a été champion valaisan de ski à 15 ans, effectué un tas de petits boulots avant de devenir chef de dépôt d’une entreprise de matériaux de construction durant vingt-huit ans. 


Avec cinq ans d’écart, Françoise a fréquenté les mêmes bancs scolaires que son mari. Cette Sierroise pur sucre a ensuite accompli l’intégralité de sa carrière professionnelle dans sa ville natale, au guichet de la plus grande banque de Suisse. « On est des dinosaures », s’exclame-t-elle avec amusement. Avant d’ajouter en guise de preuve supplémentaire : « J’avais 19 ans quand je me suis mariée avec Pierre-Olivier. À cette période, la majorité étant fixée à 20 ans, j’ai dû obtenir l’accord de mon père ! ».



Duo danseurs Tango
À Sierre, le couple Bonnet initie des amateurs de tango argentin aux subtilités de cette danse fascinante. Ils ont été les premiers à le faire en Valais.


RETRAITE SANS RUPTURE


Depuis leur rencontre, les Bonnet se sont beaucoup investis bénévolement au sein de sociétés locales : troupe de théâtre, revue satirique ou encore club de modélisme dont Pierre-Olivier a été le secrétaire durant quatorze ans et président autant d’années.
« On donnait un coup de main pour fabriquer les décors, installer les éclairages, tenir la caisse, faire le service, etc. On a toujours tout fait ensemble et on s’est très peu engueulés », relèvent-ils sans même s’en étonner. D’où peut-être leur complicité affichée lorsqu’ils dansent en duo... Constamment sur la même ligne, ils ont pris leur retraite presque en même temps.

« J’ai eu la chance de pouvoir partir à 60 ans », précise Françoise. Pour les Bonnet, la fin de l’engagement dans le monde du travail n’a pas occasionné de rupture. Ils ont profité de leur statut de retraités pour intensifier leur goût pour la danse et les croisières, souvent en alliant les deux.



« On a toujours aimé la bonne musique. Ce jour-là, il y avait un accordéoniste qui jouait vraiment bien. On s’est dit que c’était dommage de ne pas savoir danser. »

Françoise et Pierre-Olivier Bonnet

Pionniers du tango argentin en Valais



PRÉCURSEURS EN VALAIS


Avec le tango argentin, Françoise et Pierre-Olivier Bonnet partagent une chorégraphie sans fin. Le couple de septuagénaires y trouve même un élan supplémentaire à son harmonieux pas de deux. En octobre, ils étaient sur scène pour Le Tango de Matilda, un spectacle à la thématique qui ne pouvait les laisser indifférents et mis sur pied par Jean Guiot, un retraité conteur tout autant actif. Avec les Trottoirs de Buenos Sierre, l’association qu’ils ont fondée il y a vingt ans, les Bonnet continuent de promouvoir le tango argentin qu’ils ont été les premiers à développer dans leur région. Ils ont organisé des festivals, des concerts, des milongas (bals réunissant les adeptes du tango argentin) ou encore donné des cours.

Aujourd’hui, c’est d’ailleurs plus l’enseignement qui les intéresse. Leur planning n’a rien à envier à une école traditionnelle. Trois fois par semaine, Françoise et Pierre-Olivier transmettent à des participants de tout âge les fondamentaux du tango argentin, mêlant ocho et boleo à la convivialité et à l’amitié. Leurs élèves ne s’y trompent pas, ils viennent autant pour danser sur des figures emblématiques que pour profiter d’un bon moment.