Portraits

Rencontre avec Thomas Fischer

Publié en décembre 2021 

UN ALSACIEN DANS LE GRAND GENÈVE

Le partenariat développé avec les Rentes Genevoises pour les questions de prévoyance démontre la volonté du GTE de défendre les intérêts de ses membres. Et ils sont multiples.

Pour aller à sa rencontre, douze minutes en train depuis les Eaux-Vives et trois minutes à pied entre la gare d’Annemasse et les locaux tout neufs du GTE. Thomas Fischer nous reçoit avec le sourire. « Le Léman Express est une avancée considérable pour relier toutes les populations du Grand Genève. Même s’il reste encore du travail ! »


Puisqu’on parle du Léman Express, certains disent qu’un train ne suffit pas pour le vivre-ensemble, il faut aussi que tombent les barrières dans les têtes...


C’est vrai, c’est d’ailleurs la raison d’être du GTE et, peut-être, de sa disparition à terme. Nous sommes là pour constater les asymétries liées à cette frontière entre la Suisse et la France. Et, une fois ces asymétries repérées, pour tenter de les réduire, de faire en sorte qu’il y ait le moins de différences possible pour une personne qui résiderait en France et travaillerait en Suisse.


La frontière, c’est quoi ? Un obstacle, un frein ?


La frontière a été une vraie question pour les générations précédentes. Mais cela n’a jamais été un frein pour moi, peut-être parce que je suis tombé dans le transfrontalier quand j’étais tout jeune : j’ai grandi en Alsace et j’ai trouvé mon premier emploi en Allemagne. J’ai donc traversé le Rhin comme ici on traverse le Rhône ou le lac pour aller travailler en Suisse. La frontière, si elle sépare des Etats, se vit comme quelque chose de naturel quand on occupe un même espace. C’est vrai qu’on observe des différences de toutes sortes, historiques notamment, mais on partage une culture commune sur un territoire, on est plus voisin qu’étranger et, dans ce cadre-là, il me semble important de parler de bassin de vie au-delà des frontières.


Mais il reste des obstacles, sinon le GTE n’existerait pas !


Aujourd’hui, les problématiques les plus importantes du frontalier restent liées au transport, à la mobilité. La question qui se pose est de savoir comment combiner plusieurs modalités de transport pour que chacun puisse finalement fluidifier son trajet entre son domicile et son lieu professionnel. Nous avons initié un travail, avec l’aide d’une stagiaire durant six mois, pour mieux appréhender ce dossier. Et je pense qu’il y a un vrai chantier à ouvrir côté français pour concevoir les infrastructures et l’intermodalité des moyens de transport : Léman Express et parkings-relais, mobilités douces et liaisons lacustres. Il y a aussi du côté suisse des questions qu’il faudra se poser sur les accès et l’aménagement du territoire afin de fluidifier ces déplacements du matin et du soir.


Autre dossier important en ce moment ?


Un phénomène qui a été amplifié par la crise sanitaire, à savoir la question du télétravail. Faut-il l’inscrire dans la durée, et si oui, comment ? Pour certains métiers c’est possible, pour d’autres cela ne le sera pas. Mais, globalement, à plus long terme, si on était complètement ouverts à cette notion de télétravail, quelle serait alors la raison d’être du frontalier ? Est-ce que les employeurs n’iraient pas chercher les compétences encore plus loin ? Nous restons très prudents. Nous voulons mesurer toutes les conséquences pour le territoire et considérer cette question par tous les prismes pour nous forger une opinion.


Le GTE a pour objectif de défendre les intérêts des frontaliers. C’est une sorte de syndicat ?


Ça l’a été au début, ça l’est encore un peu aujourd’hui dans la mesure où nous devons défendre des convictions profondes ou lutter contre des injustices. Nous combattons par exemple l’idée d’opposer deux catégories de personnes : les résidents et les frontaliers. Ces disparités naissent aussi à cause des asymétries qui existent effectivement entre les deux pays. Néanmoins, nous sommes surtout là pour travailler sur le mieux vivre ensemble. Aujourd’hui – et je crois que le Grand Genève le sait – beaucoup de frontaliers sont employés dans les hôpitaux, dans les services ou la recherche, à Genève. Tout comme dans l’industrie horlogère, chimique et pharmaceutique si on va plus loin sur le front jurassien ou les bords du Rhin. Et, dans 7 le cadre d’intérêts bien compris, une osmose certaine est nécessaire entre l’entreprise et les compétences apportées par les salariés…


La crise sanitaire a en tout cas montré aux Suisses, si besoin était, l’importance des frontaliers venus de France…


Certainement. Je crois que cela a été un choc pour tout le monde que de se dire, à un moment donné, que la frontière allait peut-être fermer. Mais très vite, la raison et la prise de conscience de l’importance du vivre-ensemble sur un même bassin de vie ont été prédominantes. On a vraiment réalisé que des gens faisaient le trajet, matin et soir, pour aller travailler en Suisse et rendre des services, et tout particulièrement dans le secteur sanitaire.


Comme par exemple aux HUG, dont 60% du personnel habite côté français !


Est-ce que l’hôpital pourrait fonctionner sans ces salariés frontaliers ? Sans ce roulement permanent d’infirmières, d’aides-soignants, de médecins ? Ce serait quasiment impossible pour la Suisse. Il était donc extrêmement important de faire preuve de bon sens et de trouver des accords, voire des facilités pour permettre effectivement le bon fonctionnement de l’hôpital à Genève.


Vous êtes une sorte de syndicat et aussi un bureau de conseil pour vos adhérents. Dans quel domaine ?


Dans le domaine fiscal, par exemple. Le frontalier est imposé à la source à Genève mais il doit aussi remplir une déclaration en France. Il faut trouver le bon chemin dans cette complexité. Nous disposons aussi d’une équipe de spécialistes dans le domaine de la prévoyance pour aider les frontaliers à mieux entrevoir la manière dont ils vont constituer leur retraite, leur rente à terme, la manière dont ils vont faire évoluer leur patrimoine. Et de manière plus générale la façon dont ils vont finalement mener leur parcours professionnel et leur vie partagée entre deux pays.


Vous-même, à cinquante-huit ans, vous pensez déjà retraite ?


Je crois que ce n’est pas une question d’âge, c’est surtout une question de passion. Et je pense que j’ai trouvé ici les ferments d’une aventure intéressante : pouvoir apporter mon expérience et mon expertise au développement de ce groupement. Et tant que j’aurai cette flamme, finalement, je crois que je repousserai mon départ à la retraite. J’aménagerai peut-être mon temps de travail, je déciderai du temps que je consacrerai à mon activité, mais cela me paraît important pour moi de transmettre, de faire connaître et d’aplanir les situations conflictuelles comme je l’ai fait toute ma vie dans le développement des compétences des salariés, dans la formation professionnelle…


En tant qu’instituteur aussi à vos débuts…


Exactement, vous êtes bien renseigné, comme instituteur aussi à l’origine !


Donc pas de troisième pilier ?


A l’instar des frontaliers, un certain nombre d’outils nous permettent aujourd’hui d’être prévoyants, comme investir dans une résidence, une épargne retraite ou une assurance vie. Je suis plus fourmi que cigale, c’est comme ça que je me caractériserais, j’ai donc prévu un certain nombre de choses et j’espère que cela me donnera les moyens de réaliser mes projets.

Aujourd’hui, les problématiques les plus importantes du frontalier restent liées au transport, à la mobilité.

Thomas Fischer

Directeur du Groupement transfrontalier européen

QUESTIONS EXPRESS À

THOMAS FISCHER

QUESTIONS EXPRESS À

THOMAS FISCHER

Votre retraite idéale ?

Elle s’inscrit dans le voyage. J’ai envie de prendre le temps de découvrir les pays et les gens, comme dans l’émission TV Rendez-vous en terre inconnue.


Votre Noël le plus surprenant ?

C’était lors d’un séjour au Guatemala, un Noël sans sapin de Noël, très différent par conséquent de ceux que j’ai vécus dans mon Alsace natale.


Thomas Fisher

Le cadeau dont vous vous rappelez le plus ?

Le vélo de course que mes parents m’ont offert, qui m’a permis d’aller me balader hors de mon quartier.


Votre plus gros fou rire à Noël ?

Je n’ai pas le souvenir d’un fou rire à Noël !


Le calendrier de l’Avent que vous aimeriez recevoir ?

Je mettrais dans chaque case un peu de sérénité et de temps…