Agir pour demain
Publié Lundi 16 mai 2022

CHANGER NOTRE RELATION À LA TERRE

Vulgarisant les connaissances scientifiques tout en jouant sur les émotions du public, l’exposition temporaire du Muséum d'histoire naturelle Tout contre la Terre tente d’éveiller les consciences. Visite avec son commissaire principal, Hervé Groscarret.

Regards artistiques et données scientifiques s’entrecroisent pour éclairer une situation écologique, proposer des solutions. Le visiteur est confronté à des dessins, des œuvres, des entretiens, des collections, des installations. A l’unisson, ces éléments expriment et témoignent de l’urgence de modifier nos comportements et nos actions, pour agir dans le respect de la vie et de la nature et vivre tout contre la Terre.


Dérèglement climatique, dégradation de l ’environnement, perte de la biodiversité : ces thèmes sont à la une de l’actualité. L’exposition y revient. Est-ce parce que vous pensez que nous n’avons pas assez conscience des dangers que représente la dégradation de la Terre ?


En tant que musée d’histoire naturelle, nous traitons constamment de ce sujet. Si nous y revenons, c’est parce que, depuis une ving-taine d’années, les nombreuses expositions qui ont été organisées sur la problématique environnementale visaient à informer. Au-jourd’hui, il ne se passe pas un jour sans que les médias en parlent. Nous sommes informés. L’une des originalités de Tout contre la Terre est d’exposer très clairement les limites pla-nétaires qui sont dépassées, par exemple en ce qui concerne la pollution, celles qui sont en cours de dépassement et celles qui ne sont pas mesurables. L’exposition vise aussi à faire prendre conscience au public que, malgré tous nos efforts, on ne reviendra pas à une si-tuation normale, mais qu’il est possible d’agir. Qu’il y a des solutions.


En intitulant cette exposition Tout contre la Terre, vouliez-vous insister sur le fait que nous, les humains, sommes profondément liés à la Terre ?


Cette Terre est profondément vivante, donc humaine. C’est un sujet véritablement anthropologique : selon leurs cultures, les différentes populations n’ont pas le même rapport à elle. D’un autre côté, quand on regarde les données scientifiques et que l’on mesure la dégradation, tout se passe comme si nous étions contre la Terre, que l’on ne faisait pas partie d’elle. Nous avons choisi ce jeu de langage pour dire aussi que nous sommes tout contre la Terre. Nous devons donc la protéger et nous protéger.


Vous vous êtes efforcés de vulgariser les connaissances scientifiques. Pensez-vous que cela est important ?


Oui. Un musée est un lieu de culture. Nous nous devions donc de trouver les mots pour présenter au public les informations et les concepts scientifiques de la manière la plus compréhensible possible.

L’exposition donne des informations très dures, mais elle essaie de mettre en avant le fait qu’il existe des solutions.

Hervé Groscarret

Commissaire principal de l’exposition Tout contre la Terre

L’exposition fait aussi la part belle aux émotions. Pourquoi ?


C’est en effet l’une de ses grandes originalités. Depuis dix ans, on a vu fleurir des études en psychologie démontrant que, pour agir de manière positive vis-à-vis de la planète, il ne suffit pas d’être informé de la situation. Si votre terrain émotionnel n’est pas favorable, vous n’aurez peut-être pas une bonne appréhension des connaissances et une bonne mise en actions. Nous avons donc laissé une large part aux émotions, en plaçant en son centre le concept du warm glow (NDLR : que l’on traduit parfois par « éclats chaleureux »). Certaines émotions nous « réchauffent ». Par exemple, si l’on fait un jardin biologique, on voit revenir les insectes pollinisateurs, on a de beaux légumes, etc., et cela renforce notre action positive. Il est aussi nécessaire parfois d’éprouver de la colère pour alerter, comme le fait Greta Thunberg dans ses interventions (NDLR : un extrait du discours à l’ONU de la jeune militante écologiste suédoise est diffusé dans l’exposition). Les émotions ont joué un rôle dans le choix des sujets que nous voulions expliciter, mais aussi dans la manière de les exposer. Nous avons donc créé des « petites scènes » qui devraient générer des émotions. L’une d’elles présente le travail d’une artiste genevoise qui utilise des papillons qu’elle a tués pour faire des photos. Cela génère un malaise. C’est seulement dans la deuxième partie de l’exposition que l’on explique pourquoi nous avons montré ce travail. Nous faisons vivre des choses aux visiteurs et ensuite, nous leur offrons des clés de lecture.


Ces photos, comme les dessins, les vidéos, les témoignages que vous présentez visent donc à susciter des émotions chez les visiteurs ?


En effet. Dans chaque zone de l’exposition, nous présentons des informations scientifiques, mais nous proposons aussi des travaux d’artistes qui suscitent des émotions. Nous avons par exemple choisi des planches du dessinateur de presse Chappatte qui traite l’information de manière décalée, satirique et humoristique. En vis-à-vis, nous expliquons que la préservation de l’environnement est un grand chantier qui s’ouvre pour l’humanité, laquelle devra changer sa manière de produire, de se déplacer, de s'alimenter, etc. Nous avons aussi exposé des dessins de Gabriel Ruta qui, tous les matins, a dessiné un animal placé sur la liste des espèces en danger, en le présentant dans un cimetière factice.


L’exposition est malgré tout optimiste.


Je ne dirais pas qu’elle est optimiste, plutôt qu’elle est pragmatique. Elle donne des informations très dures. Dans son interview, le philosophe Dominique Bourg, qui a participé à l’écriture de l’exposition, explique que cela fait trente ans que l’on parle d’environnement et qu’aujourd’hui, on arrive à la limite des limites. Toutefois, l’exposition essaie de mettre en avant le fait qu’il existe des solutions. Elle tente d’éveiller les consciences et de montrer à chacun et chacune qu’à son niveau, il ou elle peut améliorer quelque peu la situation.

Il ne peut y avoir d’intellect sans émotion. Les deux ne peuvent fonctionner l’un sans l’autre

Dominique Bourg

Philosophe

QUESTIONS EXPRESS À

HERVÉ GROSCARRET

QUESTIONS EXPRESS À

HERVÉ GROSCARRET

Votre retraite idéale ?

Avec un âne sur les chemins de Stevenson.


Le monde de vos rêves ?

La poésie.

Hervé Groscarret

Une « première fois » que vous aimeriez revivre ?

La traversée d’une rivière du Jura.


Que faites-vous d'une heure de libre ?

J’écris.


Votre secret santé ?

Lever tôt et sport régulier.


Réapprendre notre lien avec la terre
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