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PROTÉGER L’EAU POUR PROTÉGER LA VIE

Publié en août 2025

Pendant plus de vingt ans, Guillaume Pierrehumbert a parcouru le monde pour approvisionner en urgence les populations touchées par les conflits. Aujourd’hui, il dirige l’Office cantonal de l’eau à Genève.

L’eau est le trésor le plus précieux de l’humanité. Souvent, elle jaillit directement du robinet, mais ce privilège est loin d’être universel. Guillaume Pierrehumbert ne le sait que trop bien, lui qui a été chef de l’Unité eau et habitat du Comité international de la Croix-Rouge. Mais même en Suisse, les défis liés à cette ressource sont nombreux.

Guillaume Pierrehumbert, vous travaillez désormais pour l’Etat de Genève, depuis décembre dernier. Dans un pays où l’eau est abondante, votre quotidien doit être moins mouvementé qu’auparavant, non ?


Moins mouvementé, certes, mais tout aussi captivant. J’apprends chaque jour quelque chose de neuf avec ce poste. Il faut dire que l’Office cantonal de l’eau est l’un des services les plus transversaux de l’Etat car l’eau est omniprésente. Nous touchons à tout, des places d’amarrage dans les ports aux rives du lac, en passant par les cours d’eau, les eaux usées et bien sûr l’approvisionnement en eau potable. Nous travaillons en collaboration avec d’autres services

de l’administration cantonale, les SIG ainsi que les organisations environnementales.

A Genève, il y a le Léman, le Rhône, l’Arve et bien sûr le Jet d’eau ! L’or bleu est partout, mais quelle est sa qualité ?


L’eau potable est irréprochable à Genève. Je dis souvent que c’est une aberration de boire de l’eau en bouteille quand on a la chance d’avoir une eau du robinet aussi bonne. Elle provient à 80 % du lac Léman et à 20 % des nappes phréatiques. Pour les cours d’eau, la situation est plus nuancée. Les indicateurs sont globalement bons, mais il existe des fragilités, notamment dues à la densité urbaine et à des pressions sur les milieux naturels. Nous investissons beaucoup pour améliorer la situation, en créant par exemple des roselières, en facilitant la mobilité des poissons et en menant des campagnes de prévention contre les pollutions domestiques ou industrielles. Malheureusement, des événements ponctuels, comme les pollutions au printemps dans l’Aire et la Seymaz, peuvent anéantir des années d’efforts de renaturation.
« L’eau potable est irréprochable à Genève. C’est une aberration de boire de l’eau en bouteille quand on a la chance d’avoir une eau du robinet aussi bonne. »

Guillaume Pierrehumbert

Directeur de l’Office cantonal de l’eau de Genève





A l’échelle individuelle, que peut-on faire pour protéger les ressources en eau ?


Un geste simple par exemple : ne jamais jeter ses mégots de cigarettes dans les bouches d’égout. Un seul mégot suffit à polluer jusqu’à 500 litres d’eau. A Genève, il y a plus de 76 000 regards, soit autant de sources potentielles de contamination des cours d’eau, car plus de la moitié ne sont pas raccordés aux stations d’épuration.

Quels sont les grands défis qui vous attendent ?


Le changement climatique est évidemment un enjeu majeur. Il entraînera des périodes de sécheresse plus fréquentes, ce qui pose la question de l’accès à l’eau potable, mais aussi à l’eau pour l’agriculture et les loisirs. Même si Genève est relativement privilégiée, rien n’est inépuisable. Par ailleurs, la lutte contre les pollutions, notamment les micropolluants,est un défi croissant qui nécessite des investissements importants en épuration et en prévention. Enfin, il faudra aussi nous préparer à des événements extrêmes, comme les crues et les inondations, qui risquent de devenir plus fréquents.




Né à Payerne, Guillaume Pierrehumbert a ensuite grandi à La Chaux-de-Fonds avant de poursuivre ses études à Lausanne. Il vit aujourd’hui à Genève avec sa femme et ses deux enfants

L’eau a toujours été au coeur de vos activités professionnelles. Pourquoi ?


C’est une vocation. Mon père était ingénieur en génie civil, chef des travaux publics de La Chaux-de-Fonds où il était responsable de l’épuration des eaux. J’ai grandi dans un environnement où le service public et la gestion de l’eau étaient présents. Et puis, comme on le dit souvent, l’eau c’est la vie. Protéger l’eau c’est donc protéger la vie. Ce qui me passionne, au-delà de l’aspect technique du métier, c’est surtout de contribuer au bien-être général en garantissant un accès à cette ressource si précieuse.

Vous avez consacré vingt-deux ans de votre vie à l’humanitaire. Le CICR vous a notamment envoyé en Erythrée, au Rwanda, en Irak, au Pakistan, au Nigéria et en Palestine. Avec quels objectifs ?


On imagine souvent que l’aide humanitaire consiste à distribuer des bouteilles d’eau. La réalité, c’est que nous intervenions pour maintenir ou réhabiliter des services essentiels : approvisionnement en eau, électricité, santé. Dans chaque guerre, l’eau est aussi une victime. Les infrastructures sont fragiles et dès qu’elles sont touchées, tout s’écroule. Quand la Croix-Rouge internationale arrive, la priorité est de remettre en fonction ces réseaux de distribution pour que la population puisse tout simplement survivre. Une gourde avec un filtre à charbon ne suffit pas à répondre aux besoins. Il faut collaborer avec les autorités locales et les compagnies d’eau pour assurer un approvisionnement minimal, via des forages, pompes, conduites et produits de désinfection.

Et le traitement des eaux usées ?


Malheureusement, ce n’est pas la priorité. Il est très rare de réussir à maintenir des infrastructures d’épuration fonctionnelles en zone de conflit. C’est dramatique car les eaux usées se déversent dans l’environnement avec un impact à long terme. On manque de temps et de moyens pour préserver les milieux naturels et c’est grave puisque si la nature n’est pas protégée, les ressources en eau vont se détériorer et ça aura tôt ou tard un impact sur les populations concernées. >

Quelle expérience a été la plus marquante ?


Gaza. J’ai été basé à Jérusalem de 2012 à 2015. Durant cette période, j’ai vécu deux guerres dans l’enclave. Honnêtement, je ne pensais pas que la situation puisse être un jour pire que ce que j’ai vu là-bas durant le conflit de 2014. Une décennie plus tard, on se rend compte que oui. C’est dramatiquement pire.

On vous sent ému.


Ça m’attriste et surtout ça me désole de savoir que tous nos efforts ont certes aidé, mais n’ont rien résolu. J’ai vu les ravages de la guerre et la détresse des populations privées d’accès à l’eau. Ces expériences m’ont profondément marqué. Elles m’ont appris l’humilité, la résilience et l’importance de l’engagement collectif. Aujourd’hui encore, mon parcours à l’international influence mon regard sur la gestion de l’eau, ici à Genève comme ailleurs.



QUESTIONS EXPRESS À GUILLAUME PIERREHUMBERT

Votre retraite idéale ?
Me promener dans la nature, à pied ou à vélo et profiter d’un environnement sain et préservé. D’où l’intérêt de faire du bon boulot maintenant !

Que faites-vous d’une heure de libre ?
J’ouvre un bouquin.

La personnalité avec qui vous rêvez de partager un dîner ?
Probablement Vladimir Poutine, s’il acceptait de répondre avec sincérité à mes questions. Mais c’est sans doute une déformation professionnelle liée à mon ancien job !

A quoi ressemble un été parfait pour vous ?
Une journée de pêche en famille au bord d’un petit lac au nord du Québec. Pas d’électricité, pas d’internet. Juste la paix.

Un souvenir marquant de vos vacances d’enfance ?
La découverte du Musée d’histoire naturelle de Genève ! C’était lors d’un séjour chez mes cousines de Plan-les-Ouates.



Les bons gestes pour une bonne eau

La préservation des ressources en eau dépend aussi du comportement de chacun. Pour encourager les bons gestes, des campagnes de sensibilisation sont régulièrement lancées par les pouvoirs publics. Voici quelques conseils.

Ne pas confondre toilettes et poubelle


Lingettes, protections hygiéniques, cotons-tiges, médicaments, préservatifs, lentilles de contact, peinture, huiles, litière pour chat et autres déchets solides ou chimiques doivent absolument être jetés dans une poubelle ou rapportés aux points de collecte appropriés. Sinon, ils peuvent boucher des canalisations, perturber le fonctionnement des stations d’épuration et dégrader l’environnement en raison de la présence de micropolluants qui, pour certains, échappent aux filtres des STEP.


Ne rien jeter dans les bouches d’égout


Les grilles d’évacuation des eaux collectent l’eau de pluie et évitent les inondations. Mais elles ne doivent jamais servir à évacuer des liquides polluants ou des déchets comme les mégots de cigarettes. Tout ce qui y est déversé finit souvent directement dans les rivières ou le lac, menaçant la faune et la flore aquatiques.


Gérer correctement les produits chimiques


Attention aux pesticides et autres produits chimiques utilisés dans le jardin ou sur les balcons. Ces substances, lorsqu’elles sont mal

dosées ou mal stockées, peuvent être entraînées par les pluies dans les canalisations ou s’infiltrer dans les sols, contaminant ainsi les nappes phréatiques, les rivières et les lacs. Cette pollution de l’eau nuit gravement à la biodiversité aquatique, perturbe les écosystèmes et complique le traitement de l’eau potable.

Laver sa voiture dans un espace dédié


Les stations de lavage sont spécialement conçues pour récupérer, filtrer et traiter les eaux usées issues du nettoyage des véhicules. Elles disposent de systèmes adaptés pour retenir les hydrocarbures, les métaux lourds, les détergents et autres polluants avant que l’eau ne soit rejetée dans le réseau d’assainissement ou recyclée. En revanche, le lavage sur la voie publique entraîne le déversement direct de ces substances polluantes dans les caniveaux, qui conduisent souvent l’eau non traitée vers les rivières ou les nappes phréatiques.

Utiliser de l’eau sans produit pour le nettoyage extérieur


Pour laver les balcons, terrasses ou toitures, privilégier l’eau claire, sans ajout de détergents ni de produits chimiques. Un nettoyage à l’eau seule est souvent suffisant pour l’entretien régulier et constitue un geste simple mais efficace pour préserver la qualité des ressources en eau.



UNE CAMPAGNE POUR SENSIBILISER

La campagne « Oh mon eau ! » est une initiative du canton de Genève visant à sensibiliser la population à la préservation de l’eau, tant en termes de qualité que de quantité. Elle encourage l’adoption de gestes simples et responsables au quotidien pour économiser l’eau et protéger les cours d’eau et le lac genevois.

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