Retraite étonnante

Le malade imaginaire

Publié en décembre 2022 

Michel Brélaz joue au malade pour les médecins, physiothérapeutes, technicien(ne)s en radiologie et infirmiers(ères) en formation. Son activité de « patient simulé » permet à cet enseignant retraité de conserver un lien fort avec le domaine qu’il affectionne le plus dans la vie : le contact humain.

Il faut être un peu comédien pour interpréter le rôle du malade ronchon, du patient sourd ou angoissé. Michel Brélaz n'est jamais monté sur une scène de théâtre ou un plateau de cinéma. Il a travaillé dans l'éducation scolaire durant quarante ans : « En fait, quand on est enseignant, on est un peu comédien. C'est mon avis. Il faut parfois être un champion du monde de l'impro pour capter l'attention de la classe et faire passer les choses. » Professeur de maths et de physique, scientifique pur sucre comme il le dit. Puis doyen et, durant vingt ans, directeur de deux écoles à Gimel et Aubonne.
Aujourd'hui patient simulé pour deux institutions en charge de la formation des futurs médecins, infirmiers, infirmières, physiothérapeutes et techniciens en radiologie. « Chaque métier est différent, mais le principe du patient simulé est toujours le même : vous recevez un scénario avec un nom, un âge et une pathologie. C'est du sérieux. On n'est pas là pour rigoler. Ils nous installent parfois dans un lit avec de fausses perfusions. Les étudiants nous prennent la tension. »
Le principe du patient simulé est toujours le même : vous recevez un scénario avec un nom, un âge et une pathologie. C'est du sérieux.

Michel Brélaz

Enseignant retraité




VISAGE PÂLE


Michel Brélaz, lors de sa dernière prestation, était censé souffrir d'un ulcère après avoir consommé trop d'anti-inflammatoires. Visage maquillé de blanc pour simuler la perte de sang et un teint livide. « On doit aussi dire aux étudiants comment on a ressenti leur intervention. S'ils vous ont touché avec des mains froides, je leur fais remarquer qu'ils ne vous ont pas prévenu. Ou qu'ils vous ont parlé alors qu'ils étaient dans votre dos sans que vous puissiez bien les voir et les comprendre. Ce ressenti du patient est pour eux très formateur. » Activité défrayée qui permet surtout à cet ancien professeur de continuer à apporter sa contribution au monde de l'éducation et de la formation. « Je suis très content de jouer ce rôle, car je trouve important qu'on ait des gens de qualité dans le domaine de la santé. »

Retraité depuis le 1er novembre 2020 après une période Covid difficile à vivre dans le monde scolaire, Michel Brélaz ne voulait pas rester les bras croisés. Il entend parler de cette activité de patient simulé par l'une de ses connaissances. Il postule. Et il obtient le rôle. Rôle de composition, dira-t-on, car l'homme sportif qu'il est resté respire la santé et la forme physique : « Certains de mes amis me trouvent trop fit pour jouer les patients, comme si je n'étais pas crédible dans ce rôle, mais ce n'est pas grave. Il suffit d'un peu d'imagination pour faire le malade et je joue aussi parfois les accidentés…


Michel Brlaz. Le malade imaginaire en séance avec les étudiants
En mimant des symptômes, Michel Brélaz livre de précieuses informations sur son état de santé. Pour identifier la pathologie simulée, les étudiants doivent être attentifs à chaque détail.


UN RETRAITÉ GONFLÉ À BLOC


Michel Brélaz n'est pas du genre à battre en retraite. D'ailleurs, le mot ne lui fait plus peur : « Ce terme, auparavant, je le détestais. Mais depuis que je suis à la retraite, j'adore dire que je suis un retraité ! » Le jour de notre rencontre, il préparait sa valise, ses vêtements et ses chaussures de marche en vue d'une expédition au Népal. Il partait avec un autre féru de haute montagne, Daniel Perler, 70 ans, collectionneur de sommets.

Michel Brélaz ne va pas aussi haut en Suisse lorsqu'il consacre du temps à sa deuxième activité de retraité. Il est accompagnateur en montagne, principalement dans le Jura : « Mon terrain de jeu, c'est le territoire qui va du Mont-Tendre à la Dôle. Accompagnateur en montagne, cela veut dire qu'on n'est pas guides, on n'utilise ni corde, ni baudrier, on reste sur les chemins de randonnée. » Statut obtenu après une formation modulaire de deux ans dans le val d'Anniviers, parallèlement à la fin de ses activités professionnelles.

« Je suis content d'avoir anticipé et suivi cette formation parce que je n'ai rien vu entre la fin de mon travail et le début de ma retraite. J'ai tout de suite pu mettre en place un site internet (www.AccompagNature.ch) avec des propositions de rando et je me suis constitué un petit réseau de clientèle relativement vite. La transition s'est donc faite très naturellement. Avec du temps libre bien entendu, je bosse quand je veux ! Aujourd'hui il pleut, je ne sors pas ! » Il accompagne de petits groupes de randonneurs qui profitent de son expérience, de ses connaissances en matière de météo, de flore et de faune. En toute saison, car il poursuit avec des raquettes à neige, une fois l'hiver venu !

Point commun de toutes ces activités pour Michel Brélaz, par ailleurs deux fois grand-père : les gens ! « Ermite au fond d'une grotte, ce ne serait pas pour moi », dit-il encore, ajoutant qu'il a toujours apprécié le contact et l'échange. Dans le monde de l'enseignement, en tant que patient simulé et durant ses randonnées. Conclusion : on peut être un scientifique pur sucre et apprécier le sel des rencontres.