Regard sur demain
Publié Lundi 16 mai 2022

Le Léman express a un immense potentiel

Le Léman express est un formidable lien entre le lieu de travail et de domicile et son succès le prouve. L’un des prochains enjeux est la progression de la mobilité liée aux loisirs. Sorties au restaurant, concerts, théâtre, cinéma, tout cela sans voiture, c’est déjà possible dans le Grand Genève. L’offre est désormais présente avec des trains circulant en soirée et la nuit, les vendredis et samedis, entre Annemasse et Coppet entre 00h30 et 5h (un train toutes les heures). Et la journée, une sortie en montagne, été comme hiver n’est plus si loin.

Le Léman Express a prouvé son utilité dans le transport professionnel. Mathieu Fleury veut diversifier son offre et s’attaquer au problème de l’affluence aux heures de pointe. Une évolution du monde du travail peut y contribuer.


Directeur d’associations, avocat et aujourd’hui chef d'entreprise, Mathieu Fleury cumule les casquettes professionnelles. Il ne porte pas celle de chef de gare ou de conducteur de locomotive, mais à l’entendre le train est l’avenir de l’homme !


Mathieu Fleury, les Genevois ou les Romands ont longtemps entendu parler du CEVA.
Maintenant on dit « Léman Express ». Quelle est la différence ?


Disons que le CEVA (Cornavin – Eaux-Vives – Annemasse) était le chaînon manquant entre les réseaux ferroviaires suisse et français. Ce nouveau tronçon de rails, ponctué des magnifiques gares signées Jean Nouvel, permet dorénavant au Léman Express de se déployer sur un périmètre bien plus vaste, puisque nous roulons sur 230 km jusqu’à Coppet, Evian, Annecy, St-Gervais ou encore Bellegarde. Le démarrage et les deux premières années d’exploitation ont été marqués par de nombreux problèmes. C’était en quelque sorte la saison 1 de la série Léman Express… Je ne sais pas s’il existe une expression qui voudrait dire le contraire de best of, car on a vraiment tout eu ! D’abord un conflit social côté français le jour de l’inauguration, une « grève de bienvenue » comme je l’ai appelée. Nous avons ensuite connu des problèmes de matériel, des retards dans la formation des conducteurs de train en Suisse. Et puis bien évidemment la pandémie. Si bien que nous n’avons encore jamais connu une période que je pourrais qualifier de normale. La saison 1 a donc été une série noire, mais malgré cela, nous avons franchi en novembre 2021 la barre des 52 000 passagers par jour. Et compris que le pari des pionniers, qui avaient imaginé et lancé le projet Léman Express, était réussi puisque cette offre a rencontré sa demande malgré tous les obstacles.


L’objectif, c’était 50 000 ?


50 000 voyageurs par jour, oui. Objectif atteint avec un an et demi, voire deux ans d’avance, par rapport aux attentes.


Il y a deux critères pour évaluer le succès présent et futur du plus grand RER transfrontalier d’Europe qu’est le Léman Express : la fréquentation et l’impact sur le trafic automobile en ville. Est-ce que l’on peut déjà chiffrer ce deuxième critère ?


Il est extrêmement difficile à établir à cause de la pandémie, justement. Les gens qui devaient se déplacer ont, pour beaucoup, préféré des moyens individuels pour se conformer aux normes de distanciation sociale. Mais aujourd’hui on voit le bout du tunnel et notre compétitivité par rapport à la voiture, par exemple, va de nouveau augmenter.


Et la saison 2 qui commence, vous la voyez comment ?


Notre zone de développement majeur, c’est le loisir. Nous avons la chance d’être dans une très belle région. Nous n’avons pas encore pu montrer notre potentiel dans le domaine des vacances, par exemple aux sports d’hiver, pour les touristes du cru, de Suisse et du monde entier. Et il faut aussi faire savoir aux amateurs de bonne cuisine et de culture que nous circulons également le soir et la nuit. Là encore, nous avons été freinés par les fermetures des restaurants et des lieux de culture. La « mobilité plaisir» sera à la fête durant la saison 2 !


Autre enjeu pour l ’avenir ?


La multimodalité, je veux dire par là que les usagers combinent leurs transports, ils sont aussi bien cyclistes qu’automobilistes, piétons et passagers de bus, de trams ou de trains. Nous devons être bons dans ce domaine parce que la voiture représente encore cette idée de flexibilité, puisqu’on la prend quand on veut ! Nous, les acteurs de la mobilité douce, nous devons nous coordonner pour permettre aux gens d’effectuer des parcours porte-à-porte extrêmement fluides.


Comment voyez-vous le Léman Express et, plus globalement, le transport urbain dans le Grand Genève durant la saison 4 ou 5, soit dans une vingtaine d’années ?


Je pense qu’on aura amélioré la connexion entre les différents moyens de transport et que se posera alors une question cruciale : faut-il véritablement posséder son propre moyen de transport ou faut-il simplement en trouver un quand on en a besoin ? Je pense que la génération internet s’est détachée de l’idée de possession et préfère la notion d’usage. Je suis donc optimiste sur le fait que la majorité des véhicules (vélos, autos électriques, etc.) en circulation dans notre région pourra être utilisée par chacun(e) à sa guise, en payant simplement pour chaque utilisation effective. Les gens se déplaceront de manière simple et fluide avec les moyens les plus adaptés à leurs besoins. Ils éviteront ainsi tous les désagréments liés à la possession, le fait d’avoir besoin de garages, de parkings, etc. On se déplacera d’ailleurs sans doute moins en raison du développement du télétravail et du commerce de proximité.


Vous êtes avocat, avez travaillé dans la défense des journalistes puis à la FRC. Que vous apporte cette nouvelle expérience professionnelle ?


Après avoir été critique à l’égard des entreprises quand je travaillais à la FRC, j’ai voulu me confronter à la réalité. Devenir entrepreneur c’est mettre les mains dans le cambouis, travailler avec la clientèle d’une manière directe. Les transports et la mobilité sont des enjeux fondamentaux. C’est une responsabilité et un honneur de travailler dans ce domaine et d’essayer d’être à la hauteur.


Vous avez exactement 50 ans. C’est peut-être un peu tôt pour penser retraite, mais est-ce que vous la préparez ?


C’est marrant parce qu’il y a un mois, j’aurais dit non ! Mais j’ai rencontré des conseillers en prévoyance. Je crois avoir été bien conseillé et je pense que c’est maintenant que cela se joue. J’ai trois enfants, c’est aussi ça l’enjeu. Donc oui j’y pense, je viens de changer mon hypothèque et je crois que j’ai tous les piliers dorénavant (rire) pour bien réussir ma retraite.


Quant à la retraite dans votre tête ?


Au fond, on n’aime pas vieillir. La retraite est associée à l’idée de notre finitude et quelque part on reporte cette réflexion. J’ai tellement aimé toutes les phases de ma vie professionnelle que la retraite n’est en tout cas pas pour moi l’espoir d’échapper à quelque chose. J’ai toujours été un fou de l’associatif et je continuerai à exercer mon travail ou à apporter ce que je pourrai à la société dans le milieu associatif. Je trouverais bien que le système propose une descente en pente douce. Je peux tout à fait imaginer qu’au fil du temps je baisse mon taux de travail au profit d’un successeur que je formerais. Malheureusement le système ne prévoit pas ce genre de situation aujourd’hui. Je pense que j’aurai une retraite active dans le prolongement heureux de ma vie professionnelle.

Nous, les acteurs de la mobilité douce, nous devons nous coordonner pour permettre aux gens d’effectuer des parcours porte-à-porte extrêmement fluides.

Mathieu Fleury

Directeur général de Lémanis SA

QUESTIONS EXPRESS À

MATHIEU FLEURY

QUESTIONS EXPRESS À

MATHIEU FLEURY

Votre retraite idéale ?

Une retraite active de grand-parent, c’est pour moi la plus belle des retraites.


Le monde de vos rêves ?

Au coin de la rue. Je pense que le bonheur est au coin de la rue et rien que de le penser vous permet de le voir.

Mathieu Fleury

Une « première fois » que vous aimeriez revivre ?

La naissance de mon premier enfant.


Que faites-vous d'une heure de libre ?

J’essaie de la laisser libre. C’est peut-être la sagesse. Avant je voulais remplir cette heure de libre, mais en fait c’est dans les creux que naissent les idées les plus intéressantes.


Votre secret santé ?

La naissance de mon premier enfant.


LEMAN EXPRESS EN CHIFFRES

6

lignes de trains

230

km de lignes

52 000

voyageurs : record de passagers quotidien sur l’ensemble du réseau atteint en novembre 2021

45

gares

10

minutes, la fréquence entre deux trains entre Annemasse et Coppet