Agir pour demain

BIODIVERSITÉ, L’INCROYABLE RICHESSE

Publié en avril 2023 

Bertrand von Arx est le directeur du Service cantonal genevois de la biodiversité. Depuis vingt ans, il oeuvre à préserver la nature en recherchant un équilibre entre le monde sauvage et l’activité humaine.

S’il travaille aujourd’hui dans un bureau, Bertrand von Arx est avant tout un terrien. Le Genevois a grandi à la campagne et a toujours eu à coeur de préserver les richesses naturelles d’un canton bien moins citadin qu'on ne le dit.


Bertrand von Arx, la biodiversité, qu’est-ce que c’est ?

La biodiversité, c’est le vivant. Nous en faisons partie. Préserver la biodiversité est essentiel. C'est en fait conserver ce complexe équilibre entre l’homme et son environnement naturel. On a tendance à l'oublier, mais ce sont, par exemple, les insectes et les micro-organismes présents dans le sol qui filtrent l’eau pour que nous puissions la boire. C’est grâce aux arbres et aux plantes que nous respirons l’oxygène présent dans l’air, grâce aux pollinisateurs comme l’abeille sauvage que nous mangeons des fruits. Alors si la biodiversité est menacée, nous le sommes également.


Genève est un canton très urbanisé, on imagine que la biodiversité y est donc moins variée qu’ailleurs ?

Détrompez-vous. Nous sommes un petit canton à la biodiversité foisonnante, car seul 1/3 du territoire est urbanisé
et près de 45 % est agricole. La moitié des espèces de la flore recensées en Suisse sont observables ici. On parle de 1700 espèces ! La faune est aussi très riche et variée, on peut ainsi rencontrer des chouettes chevêches, un oiseau rare qui se plaît dans la région. Cela s’explique par la diversité des milieux naturels. Il y a le lac, le Rhône, des marais, des prairies, des forêts, et la montagne n’est pas loin.

Et cette richesse est menacée…

Oui. Le nombre d’espèces sur liste rouge ne cesse d’augmenter, la biomasse diminue, les habitats des animaux sauvages sont de plus en plus morcelés et les paysages banalisés. C’est pour cela qu’il faut agir sans relâche en informant et en développant d’ambitieuses politiques publiques. L’Etat de Genève a pris conscience de cette urgence en se dotant, dès 2012, d’une loi sur la biodiversité. Dans son sillage, un plan d’action fort de 117 mesures a été établi, dont presque 90 % sont en cours ou terminées.
Notre plus grand défaut est le « propre en ordre ». C’est un vrai obstacle au maintien de la biodiversité.

Bertrand von Arx

Directeur du Service de la biodiversité - Office cantonal de l'agriculture et de la nature

Concrètement, que faire ?

En Suisse, notre plus grand défaut est le « propre en ordre ». On a tendance à vouloir dompter notre environnement naturel. Une pelouse doit être verte et parfaitement tondue, aucune branche ne doit dépasser des haies : c’est un vrai obstacle au développement de la biodiversité. Mais chacun peut agir. En laissant par exemple un tas de feuilles dans son jardin pour les hérissons, en gardant du bois mort où pourront nicher des insectes ou encore en plantant des buissons indigènes bien touffus qui serviront d’habitat à de nombreuses espèces. Tout cela participe à la multiplication des petits habitats naturels. Parallèlement, l’Etat doit informer et développer des projets ciblés. A Genève, par exemple, nous avons implanté environ 1 300 nouvelles zones humides. Ce sont de petites mares, très prisées des batraciens, situées en forêt, en bordure des champs ou même en ville. Ça n’a l’air de rien, mais ces surfaces participent activement au maintien de nombreuses espèces.

Genève est un petit territoire. Comment développer des actions qui vont au-delà des frontières cantonales ?

La biodiversité n’a pas de frontière. La coordination avec nos partenaires est donc essentielle, que ce soit la Confédération, les cantons ou les départements de l’Ain
et de la Haute-Savoie. Avec ces derniers, nous échangeons beaucoup et mettons sur pied des projets transfrontaliers pour garantir les continuités biologiques sur le terrain. Des mesures ont ainsi été introduites en partenariat avec les communautés de communes, les départements, la SNCF ou encore la société autoroutière ATMB.

Vous faites ce métier depuis vingt ans. Sans lassitude ?

Aucune ! Ce métier est une passion. J’ai grandi dans la campagne genevoise. Enfant déjà, j’étais fasciné par la nature. Avec un groupe d’amis, nous passions des journées entières à observer la faune et la flore. En fonction des saisons, les paysages se métamorphosent. L’ambiance change. Les odeurs, les sons sont différents. Cette richesse extraordinaire doit être préservée et il me tient à coeur de partager ces émotions. Il n’y a pas forcément besoin de voyager à l’autre bout du monde pour être dépaysé. En quelques minutes de bus ou de tram, chaque Genevoise et Genevois a accès à cette oasis de biodiversité. Il faut aujourd’hui se reconnecter à la nature, l’apprécier et surtout la respecter.
Parc vert, ciel bleu et nuages




Quelles sont vos principales préoccupations en ce moment ?

Pendant longtemps, nous nous sommes focalisés sur la préservation des espèces menacées et avons totalement laissé de côté les autres. Or, on constate aujourd’hui que les moineaux sont par exemple toujours moins nombreux. Certaines espèces communes, ou moins visibles comme les insectes, souffrent sans que nous en ayons conscience. Par ailleurs, il faut absolument maintenir les diversités génétiques. Toutes les espèces sont constituées de populations formées d'individus tous génétiquement différents. C’est grâce à cette pluralité que les espèces réussiront à s’adapter à l’évolution de leur environnement et, peutêtre, au changement climatique.

La préservation de l’environnement est devenue une priorité, notamment politique. On peut donc être confiant, non ?

Oui, mais les priorités changent très vite. On le voit en ce moment avec la crise énergétique. Désormais, la priorité est de produire de l’électricité. Mais cela ne doit pas se faire au détriment de l’environnement, qui nous apporte d'autres services essentiels. La facilité nous pousse à exploiter des espaces naturels considérés, à tort, comme vides, pour y développer les énergies renouvelables. Alors avant d'installer ces nouvelles sources d’énergie, il faut s'assurer que ces mesures en faveur du climat ne péjorent pas la biodiversité.

Parlons d’avenir… Vous êtes optimiste ?

J’ai intérêt à l’être ! Chacun doit redevenir conscient de l’importance de la biodiversité. Cela paraît bête, mais le raisin qui se transforme en vin… c’est possible grâce au vivant, grâce (aussi) à la biodiversité. A nous donc de tout mettre en oeuvre pour la préserver.



QUESTIONS EXPRESS À

BERTRAND VON ARX

QUESTIONS EXPRESS À

BERTRAND VON ARX

Votre retraite idéale ?

Retrouver le plaisir de se hâter et non plus d'être pressé.

Le moment le plus important de votre vie ?

D'un point de vue très égoïste : ma naissance !
Bertrand von Arx

Qu’est-ce qui vous fait rire ?

(Jaune !) : Les experts en greenwashing.

Ce que vous ne ferez plus jamais ?

Jamais ? Ça existe ce mot ?

Que représente pour vous le printemps ?

Le retour des fleurs et des espèces migratrices, qui représentent l'espoir, chaque fois renouvelé, de belles aventures…
POUR ALLER PLUS LOIN

GENÈVE PRÉSERVE SA BIODIVERSITÉ

Pour protéger sa biodiversité, Genève a adopté une loi et élaboré en 2018 la « Stratégie Biodiversité 2030 ». Au total, 117 mesures concrètes ont été décidées, allant de la réhabilitation d’infrastructures écologiques à une meilleure planification du territoire et à davantage d’informations à la population.

117 MESURES CONCRÈTES


Avec sa Stratégie Biodiversité, Genève veut concilier le développement des activités humaines avec le maintien d’une biodiversité riche et durable. Parmi ces 117 mesures figurent, par exemple, le recensement et la protection des milieux et habitats d’importance locale à régionale, ou encore la restauration d’une « trame noire », ces corridors nocturnes dépourvus de lumières artificielles, essentiels pour certaines espèces.

https://politiques-biodiversite.ge-en-vie.ch/

UNE CARTOGRAPHIE DE LA BIODIVERSITÉ


Pour assurer la mise en œuvre de la Stratégie Biodiversité, une carte détaillée du canton a été élaborée. Elle présente notamment la localisation d’arbres remarquables, les zones où prolifèrent des plantes exotiques envahissantes, ou encore les types de végétation à travers tout le canton. Si cet outil se veut ludique, sa création a surtout permis de prendre conscience de la fragilité de la nature. Ainsi, par exemple, seule la moitié des réservoirs de biodiversité se situe dans des aires où la protection est suffisamment assurée.

https://map.sitg.ch/