Bertrand von Arx est le directeur du Service cantonal genevois de la biodiversité. Depuis vingt ans, il oeuvre à préserver la nature en recherchant un équilibre entre le monde sauvage et l’activité humaine.
Bertrand von Arx, la biodiversité, qu’est-ce que c’est ?
Genève est un canton très urbanisé, on imagine que la biodiversité y est donc moins variée qu’ailleurs ?
Et cette richesse est menacée…
Bertrand von Arx
Directeur du Service de la biodiversité - Office cantonal de l'agriculture et de la nature
Concrètement, que faire ?
En Suisse, notre plus grand défaut est le « propre en ordre ». On a tendance à vouloir dompter notre environnement naturel. Une pelouse doit être verte et parfaitement tondue, aucune branche ne doit dépasser des haies : c’est un vrai obstacle au développement de la biodiversité. Mais chacun peut agir. En laissant par exemple un tas de feuilles dans son jardin pour les hérissons, en gardant du bois mort où pourront nicher des insectes ou encore en plantant des buissons indigènes bien touffus qui serviront d’habitat à de nombreuses espèces. Tout cela participe à la multiplication des petits habitats naturels. Parallèlement, l’Etat doit informer et développer des projets ciblés. A Genève, par exemple, nous avons implanté environ 1 300 nouvelles zones humides. Ce sont de petites mares, très prisées des batraciens, situées en forêt, en bordure des champs ou même en ville. Ça n’a l’air de rien, mais ces surfaces participent activement au maintien de nombreuses espèces.Genève est un petit territoire. Comment développer des actions qui vont au-delà des frontières cantonales ?
La biodiversité n’a pas de frontière. La coordination avec nos partenaires est donc essentielle, que ce soit la Confédération, les cantons ou les départements de l’AinVous faites ce métier depuis vingt ans. Sans lassitude ?
Aucune ! Ce métier est une passion. J’ai grandi dans la campagne genevoise. Enfant déjà, j’étais fasciné par la nature. Avec un groupe d’amis, nous passions des journées entières à observer la faune et la flore. En fonction des saisons, les paysages se métamorphosent. L’ambiance change. Les odeurs, les sons sont différents. Cette richesse extraordinaire doit être préservée et il me tient à coeur de partager ces émotions. Il n’y a pas forcément besoin de voyager à l’autre bout du monde pour être dépaysé. En quelques minutes de bus ou de tram, chaque Genevoise et Genevois a accès à cette oasis de biodiversité. Il faut aujourd’hui se reconnecter à la nature, l’apprécier et surtout la respecter.Quelles sont vos principales préoccupations en ce moment ?
Pendant longtemps, nous nous sommes focalisés sur la préservation des espèces menacées et avons totalement laissé de côté les autres. Or, on constate aujourd’hui que les moineaux sont par exemple toujours moins nombreux. Certaines espèces communes, ou moins visibles comme les insectes, souffrent sans que nous en ayons conscience. Par ailleurs, il faut absolument maintenir les diversités génétiques. Toutes les espèces sont constituées de populations formées d'individus tous génétiquement différents. C’est grâce à cette pluralité que les espèces réussiront à s’adapter à l’évolution de leur environnement et, peutêtre, au changement climatique.La préservation de l’environnement est devenue une priorité, notamment politique. On peut donc être confiant, non ?
Oui, mais les priorités changent très vite. On le voit en ce moment avec la crise énergétique. Désormais, la priorité est de produire de l’électricité. Mais cela ne doit pas se faire au détriment de l’environnement, qui nous apporte d'autres services essentiels. La facilité nous pousse à exploiter des espaces naturels considérés, à tort, comme vides, pour y développer les énergies renouvelables. Alors avant d'installer ces nouvelles sources d’énergie, il faut s'assurer que ces mesures en faveur du climat ne péjorent pas la biodiversité.Parlons d’avenir… Vous êtes optimiste ?
J’ai intérêt à l’être ! Chacun doit redevenir conscient de l’importance de la biodiversité. Cela paraît bête, mais le raisin qui se transforme en vin… c’est possible grâce au vivant, grâce (aussi) à la biodiversité. A nous donc de tout mettre en oeuvre pour la préserver.Pour protéger sa biodiversité, Genève a adopté une loi et élaboré en 2018 la « Stratégie Biodiversité 2030 ». Au total, 117 mesures concrètes ont été décidées, allant de la réhabilitation d’infrastructures écologiques à une meilleure planification du territoire et à davantage d’informations à la population.
117 MESURES CONCRÈTES
UNE CARTOGRAPHIE DE LA BIODIVERSITÉ